La mobilisation estudiantine se poursuit : Des milliers d’étudiants ont marché hier à Alger

Fuente: 
Huffpost Maghreb
Fecha de publicación: 
27 Mar 2019

Ils étaient des milliers d’étudiants des universités d’Alger à avoir rejoint, hier, le centre-ville de la capitale pour manifester, comme chaque mardi, pour «le changement du régime» et contre la prolongation de mandat du président sortant, Abdelaziz Bouteflika.

 

Dès la matinée, des groupes de jeunes, filles et garçons, drapés de l’emblème national étaient déjà sur l’esplanade de la Grande-Poste, avec d’immenses banderoles sur lesquelles on pouvait lire : «Nous sommes unis, vous êtes finis», «Nous disons à ceux qui veulent rejoindre le hirak, bons rêves et bonne nuit», «Les étudiants pour une Algérie démocratique et plurielle», «Un peuple uni ne sera jamais soumis», «Système dégage», «Ya Si Salah, vous dites que pour chaque problème, il y a plusieurs solutions, nous vous disons que notre problème a une seule solution, le départ du régime.»Autant de mots d’ordre qui reflètent la maturité des jeunes étudiants.

 

En face, les escaliers de la Grande-Poste sont déjà occupés par des dizaines de citoyens, des membres du Syndicat national des artisans algériens, d’anciens combattants de la Révolution et de fils de chouhada (martyrs), ainsi que des membres des familles de victimes du terrorisme. Ils scandent : «Ya Amirouche, ya El Haouas, Djazair machi labas !» (Amirouche El Haouas, l’Algérie ne va pas bien), «Algérie, libre et indépendante !».

 

Les messages écrits sur les pancartes révèlent le ton de la colère contre «le régime, la bande qui l’entoure et ceux qui le protègent», lit-on sur de nombreuses pancartes. Il est 11h, l’immense grappe humaine que forment les étudiants commencent à quitter l’esplanade en direction de la rue Pasteur.

 

Ils chantent tous ensemble : «Talaba, Talaba, djina nahiw al isaba»(Etudiants, étudiants, nous venons enlever la bande», «Etudiant en colère, nous voulons le changement», «Assez du pouvoir des bandes, pacifique, pacifique.» Encadrés par des policiers, les manifestants remontent vers le Tunnel des facultés. Ils font une halte silencieuse devant la clinique des grands brûlés Pierre et Claudine Chaulet, avant de poursuivre leur marche. A l’adresse des policiers qui les encadrent, ils lancent : «Policier enlève ta casquette et viens avec nous», ou encore «Etudiants-policiers, des frères».

 

Quelques jeunes encadreurs organisent la foule pour laisser le passage à une seule file d’automobiles. Dans le tunnel, les étudiants s’enflamment. Des youyous, des sifflements suivis d’applaudissements assourdissants et des chants patriotiques, qui donnent la chair de poule. «J’ai les larmes aux yeux. Ils sont si jeunes et si conscients de l’intérêt de leur pays», nous lance un sexagénaire, très ému devant ces centaines de jeunes assis à même le sol, les bras hissés vers le haut faisant le signe de la victoire.

 

«La casa d’El Mouradia» ou l’hymne de la colère des jeunes

 

Une image immortalisée par de nombreux passants à l’aide de leurs téléphones portables. D’un seul geste de la main, la foule se dresse subitement et continue sa marche vers la place Audin. L’entrée du boulevard Mohammed V est fermée par un cordon de policiers et des chasse-neige. Quelques étudiants tentent de franchir le mur de sécurité. «Pourquoi ne pas aller à El Mouradia ?» demandent-ils à leurs camarades. La réponse est rapide. «Notre itinéraire est de rejoindre la Grande-Poste, pas El Mouradia.

 

Pourquoi voulez-vous susciter un affrontement avec les policiers ? Ne gâchez pas ce que nous avons pu faire durant toutes ces semaines. Si vous le faites, vous assumerez la responsabilité», souligne un des encadreurs. Les étudiants font demi-tour pour revenir vers la Grande-Poste.

 

Au niveau de la faculté centrale, ils s’assoient par terre en scandant : «Pacifique, pacifique, marche des étudiants.», «Etudiants conscients, nous voulons des changements», «Libérez l’Algérie», «Enlevez-nous la bande, nous nous porterons mieux», «L’Algérie du un million et demi de martyrs n’a pas besoin de la bande», «Dégagez, laissez la place à ceux qui aiment leur pays.»Etudiant en médecine, Amar se sent concerné par ce qui se passe dans le pays. «Nous sommes l’avenir de l’Algérie, nous avons droit à la parole. Nous voulons que ce système parte. Il a failli, qu’il laisse sa place aux autres.

 

Ceux qui peuvent faire de l’Algérie un paradis. Ils veulent nous chasser tous d’ici, et bien c’est nous qui les chasserons du pouvoir. Nous ne baisserons plus les bras. Le combat continue», nous dit-il, avant que sa camarade, Lynda, ne lui coupe la parole : «Je veux vivre dans un pays où les hommes et les femmes sont nommés selon leurs compétences et non pas leur origine. Nous voulons que nos diplômes soient reconnus et considérés. Notre pays doit retrouver sa place.»

 

Les chants de la foule redoublent d’intensité. Aïssa surveille le carré des étudiants de l’université de Bab Ezzouar. Il passe d’un côté à un autre, puis exige de ses camarades d’être vigilants. « Algérie, libre et démocratique», crient les étudiants en resserrant les rangs. Ils avancent jusqu’à la Grande-Poste et s’installent sur les marches, rejoints par de nombreux groupes de citoyens venus de toutes parts, avec des drapeaux et des banderoles.

 

La place est entièrement occupée. Les chants patriotiques se multiplient, avant que les jeunes ne reprennent, sans arrêt et d’une seule voix, les refrains de cette chanson des supporters des clubs de football algérois, La casa d’El Mouradia, qui exprime de manière ingénieuse les souffrances et le malaise social de la jeunesse algérienne.

 

A côté, de nombreux étudiants font une longue chaîne pour donner leur sang. En quelques heures, une quarantaine de jeunes ont fait don de leur sang, alors qu’une dizaine d’autres assis sur une chaise, attendent leur tour depuis une demi-heure. «J’en profite pour donner mon sang, peut-être que je serais la cause de survie d’un malade», nous dit Aymen, qui vient juste de sortir du véhicule de dons de sang. Aïcha est mécontente.

 

Les médecins ont trouvé son taux d’anémie assez élevée. Elle doit se soigner avant de donner son sang. Plus loin, les étudiants de l’université de Dély Ibrahim, continuent à chanter et à scander : «Etudiants en colère, nous voulons des changements», «Etudiants en colère, nous venons faire partir la bande.» Il est déjà 14h30, les escaliers de la Grande-Poste commencent à se vider.

 

Salima Tlemcani

 

Source:https://www.elwatan.com/edition/actualite/la-mobilisation-estudiantine-s...