Mahmoud Rechidi. Porte-parole du Parti socialiste des travailleurs «La présidentielle est un débat surréaliste»

Fuente: 
El Watan
Fecha de publicación: 
23 Feb 2014

S’il a décidé de ne pas participer à l’élection présidentielle d’avril prochain, le Parti socialiste des travailleurs (PST) n’a pas encore défini les formes de cette décision. Le secrétaire général du parti, Mahmoud Rechidi, a estimé, dans une conférence de presse animée hier au siège de son parti, que le «pouvoir se permet» de présenter Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat, parce que «le rapport de forces lui est favorable». Dans cet entretien, le militant de gauche évoque les grandes lignes du programme de son parti et les visions qui sont siennes.
 

- A deux mois de l’élection présidentielle, votre parti est absent du débat public. Pourquoi ?
 

Nous avons annoncé notre décision de ne pas prendre part à l’élection présidentielle. Mais, pour nous, ni les élection, ni l’attitude de Abdelaziz Bouteflika ne sont un sujet en soi. Je rappelle que nous avons déjà participé à des élections, pourtant, nous savions qu’elles n’étaient pas transparentes et étaient entachées de fraude. Dans son discours du 15 avril 2011, le chef de l’Etat nous avait fait miroiter des changements, plus de liberté et plus de justice sociale. Trois ans après, les faits sont là : le droit de grève est bafoué, les médias publics sont fermés et les libertés démocratiques ne sont pas respectées. La présidentielle est, pour moi, un débat surréaliste, secondaire. Car quand Bouteflika n’avait pas le droit de se représenter, il avait changé le droit pour se donner cette possibilité. Pis, l’élection présidentielle est un moyen de reconduire la même logique capitaliste et de garder le moyen de partager la rente pétrolière parmi les clans du pouvoir. Je rappelle que nous avons même évoqué la possibilité de soutenir un autre candidat. Mais la question n’est pas là. Puisque, de tous les candidats, seule celle du Parti des travailleurs est proche de nos idées. Malheureusement, Mme Hanoune s’est compromise avec le pouvoir et a versé dans l’inquisition des mouvements sociaux. Plutôt que de faire le jeu du système, nous préférons accompagner les mouvements sociaux et les syndicats. Même si, là, je dois préciser que nous sommes pour une unité syndicale capable de fédérer tous les travailleurs. Je relève, par ailleurs, que depuis 2004 au moins, M. Bouteflika est une dérive monarchique. Il veut se maintenir au pouvoir. Mais l’aggravation de son état de santé n’a fait qu’aggraver la crise multidimensionnelle que vit le pays.

 

- Vous venez de dresser un tableau noir de la situation du pays. Un espoir est-il permis ?
 

Quand nous avons un front social bouillonnant, avec plus de 10 000 actions de protestation en 2013, nous ne pouvons qu’avoir de l’espoir. Nous militons, avec d’autres forces, pour la construction d’un service public fort. Car vouloir faire du secteur privé le fer de lance de l’économie nationale est un non-sens. Cela s’apparente à une sorte de détournement de l’argent public. Nous estimons que si le privé veut investir, il n’a qu’à mettre la main à la poche et investir son propre argent. L’argent public doit être investi dans le secteur public pour avoir une éducation, une santé de qualité. L’argent de l’Etat doit aller au profit des Algériens. Nous avons vu comment ce privé que le pouvoir veut sacraliser se comporte, avec le non-respect des règles les plus élémentaires de la dignité des travailleurs. Les récentes études ont démontré que le privé pratique les bas salaires. C’est un secteur où la couverture sociale laisse à désirer. Le droit syndical est également absent.Nous pensons qu’une autre politique est possible. Pour nous, l’économie doit être au service de l’humain. L’histoire de l’humanité nous a démontré que le système capitaliste est en crise. Preuve en est ces manifestations que nous voyons à travers le monde, de la Grèce à l’Espagne en passant par la France. Le capitalisme n’a produit que de la misère. L’humanité traverse un moment de difficultés. Les multiples manifestations que nous voyons chaque jour laissent croire à la possibilité d’une révolte. Mais on ne peut pas construire un front à l’échelle mondiale, s’il n’y a pas un front intérieur. Il faut que nous soyons un peuple mobilisé pour créer une vraie rupture avec le libéralisme économique.

 

- Le discours que vous développez est adopté par beaucoup de citoyens. Pourtant, cela ne donne pas grand-chose sur le terrain. Pourquoi ?
 

Les raisons du recul des idées socialistes sont notoirement connues. La montée d’un mouvement ouvrier au XIXe siècle et les vagues de trahisons qui ont suivi, au même titre que les échecs des modèles socialistes, à l’image de l’URSS, ont fini par décevoir. Mais nous pensons que nous devons reconquérir cette confiance. C’est le travail que nous sommes en train de faire avec les mouvements sociaux. Nous considérons que la liberté s’arrache. Nous allons donc continuer notre lutte pour construire un rapport de forces favorable au changement au sein de la société. Car si le pouvoir se permet d’agir comme il le fait, c’est parce qu’il bénéficie d’un rapport de forces favorable.

 

Autor: Ali Boukhlef

Source/Fuente: http://www.elwatan.com/actualite/la-presidentielle-est-un-debat-surreali...