L’opposition partante pour 2019

Fuente: 
Cridem
Fecha de publicación: 
09 Jun 2018

Les révélations sur des négociations secrètes entre le pouvoir et le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), une forte coalition formée de partis politiques (8), de syndicats et de personnalités indépendantes, ont, à nouveau, perturbé les manœuvres de rapprochement avec le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), l’autre aile dure de l’opposition mauritanienne.

Un énième coup fourré du pouvoir pour empêcher l’opposition d’aller «ensemble»aux échéances électorales de 2019. Pour l’instant, seul le FNDU a déclaré ouvertement, par la voix de son président Mohamed Ould Maouloud, qu’il ira bien aux élections générales de 2019 (municipales, régionales, législatives et présidentielles). 

L’opposition aurait-elle ainsi pris l’ampleur des dégâts causés par son boycott de 2014, quand elle a laissé le pouvoir et l’opposition dite «dialoguiste» (APP et Al Wiam) agir à leur guise pour préparer les échéances à venir : un nouveau dialogue qui pose de nouvelles conditions aux partis politiques.

Comme, par exemple, la menace de dissolution, s’ils boycottent deux élections successives ; la constitution d’une nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI), dont le Comité des sages (11 membres) a été choisi par le pouvoir et « son » opposition, parce que les absents ont toujours tort ! Et le lot des vexations pour pousser l’opposition à commettre l’erreur de trop (boycotter une nouvelle fois) n’est pas fini.

La déclaration de participation de l’opposition a aussitôt été suivie par celle du président de l’Union pour la République (UPR), Sidi Mohamed Ould Maham,annonçant que le pouvoir ne compte pas inviter, en 2019, des observateurs internationaux parce que, comme l’a dit le président de la République, « les Mauritaniens ont foi en leur système électoral » et en leur CENI! Ce qui est loin d’être l’avis du FNDU.

La bataille qui s’engage sera donc, dans les prochains mois, celle de l’occupation du terrain, mais aussi des médias. Le rapport de forces qui s’établira à travers ces deux canaux sera sans doute mis à profit pour justifier celui qui sortira des urnes. Fraude ou pas fraude.

Déjà, en commentant les chiffres de la récente réimplantation de l’UPR, le président du parti au pouvoir évoque un «triomphe sans précédent». Les adhérents de la formation présidentielle aurait atteint le seuil de 1.100.000 membres, alors que la dernière liste électorale, celle du référendum, donnait 1,3 millions d’électeurs ! 

Le parti islamiste « Tawassoul », dont la campagne de réimplantation a précédé celle de l’UPR, revendique 100.000 adhérents, ce qui fait dire au secrétaire général d’Al Wiam, Idoumou Ould Abdi Ould Jiyid, sur un ton sarcastique, qu’après le parti au pouvoir et le premier parti d’opposition, il ne reste plus « au reste du monde » (la centaine d’autres formations politiques mauritaniennes) que 100.000 électeurs à partager !

On voit mal comment l’UPR, aidée pourtant par le reste de la majorité, pourra confirmer, en 2019, les résultats sortis de son « implantation », elle qui, pour faire passer les amendements constitutionnels, n’a obtenu que 54% de participation, avec de fortes présomptions de fraude.

Certains estiment cependant que la leçon a servi et que c’est ce demi-échec qui a poussé le président Aziz à vouloir réorganiser l’UPR pour en faire un vrai parti au pouvoir (et pour le pouvoir), capable d’assurer une victoire, sans encombres, en 2019. Pour lui, s’il décide, au dernier moment, de briguer un troisième mandat, ou pour le successeur qu’il aura choisi. 

L’un des atouts du rais sera sans doute le patronat qu’il vient de mettre au pas en portant à sa tête l’homme d’affaires qui monte en ce moment, Zine El Abidine, et dont les mauvaises langues disent qu’il est le « gérant » de la fortune du président. 

Maintenant qu’elle a décidé d’aller aux élections, l’opposition radicale fonde tous ses espoirs sur celui qui a pris part au dialogue, depuis 2011, pour que le pouvoir tienne parole, en empêchant la révision de la Constitution permettant à Ould Abdel Aziz de briguer un troisième mandat. 

Car ceux qui comptent sur la communauté internationale, notamment la France et les Etats-Unis d’Amérique pour faire partir le président Aziz se trompent sur les priorités des « maîtres du monde ».

Ce qui a été possible au Burundi, au Rwanda, en Ouganda – et qui est en passe de l’être dans d’autres pays – se fera sans coup férir en Mauritanie. Surtout qu’Ould Abdel Aziz s’est rendu utile à la France et aux USA en se portant à l’avant-garde de leur guerre contre le terrorisme au Sahel. 

Même s’il n’a jamais daigné envoyer des militaires mauritaniens dans le cadre de la force Serval (devenue Barkhane), au Mali voisin, il est considéré comme l’initiateur du G5 Sahel sur lequel Paris fonde ses espoirs de se retirer, avec dignité, de la « guerre des tranchées » qu’elle mène au nord Mali depuis 2012.

Reste que l’opposition peut compter sur un front intérieur de plus en plus hostile au pouvoir de Nouakchott. La situation économique est le tendon d’Achille d’un gouvernement qui estime pourtant avoir exécuté de grands projets de développement dans les quatre coins de la Mauritanie : l’électrification de dizaines de localités, l’eau du Dhar qui arrivera dans les prochaines semaines à Néma, et Nouakchott, en chantier depuis qu’elle a été choisie pour accueillir le prochain sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine.

Mais toutes ces « réalisations » ne font pas oublier que le coût de la vie en Mauritanie a atteint, en dix ans, le seuil de l’intolérable, portant un sérieux coup au slogan « le président des pauvres ». Celui de 2008, par lequel Aziz avait dépossédé l’opposition de ce qui faisait l’essentiel – l’essence – de son programme pour forcer l’alternance pacifique.

Mohamed Sneïba 

http://cridem.org/C_Info.php?article=712154