Élections en Afghanistan : la victoire des électeurs

Fuente: 
Le Point
Fecha de publicación: 
14 Jun 2014

Bravant les menaces des talibans, des millions d'Afghans ont voté samedi au second tour de la présidentielle pour désigner le successeur de Hamid Karzaï, un scrutin dont la tenue même dans un climat d'instabilité persistante constitue un succès majeur pour le pays. Cette élection, toute première passation des pouvoirs entre deux présidents afghans démocratiquement élus, était considérée comme un test pour ce pays pauvre et en partie contrôlé par les talibans, et qui plongera dans l'inconnu après le retrait de l'Otan, d'ici à la fin de l'année. S'il est trop tôt pour faire le bilan global du scrutin, l'ampleur d'éventuelles fraudes restant encore à déterminer, le simple fait qu'il ait pu avoir lieu sans perturbation majeure sonne comme une victoire pour Hamid Karzaï et la communauté internationale qui l'a porté au pouvoir après la chute des talibans, fin 2001.

Après un premier tour, le 5 avril, marqué par une forte participation, le second s'est achevé samedi à 16 heures locales (13 h 30 à Paris) et le dépouillement des bulletins de vote a commencé dans la foulée. Si deux personnes ont été tuées dans le Logar, au sud de Kaboul, et cinq autres dans la province de Khost (Est), à chaque fois par des roquettes tirées par les insurgés, le déchaînement de violence promis par les talibans n'a pas eu lieu. "Les attaques n'ont eu que très peu d'impact", a affirmé le ministre de l'Intérieur Omar Daudzai, sur la chaîne afghane ToloNews. Le succès d'aujourd'hui envoie à nos ennemis et à nos amis le message que la transition démocratique peut être menée dans les temps, et que nos forces sont capables d'assurer la sécurité du pays", a-t-il ajouté. 

 

"Pas de quoi nous faire peur"

Un important dispositif de sécurité avait été mis en place dans les rues de la capitale, quadrillées par des forces afghanes déterminées à déjouer toute tentative d'attaque. Au total, quelque 400 000 soldats et policiers ont été déployés dans tout le pays.

Les Afghans étaient appelés à trancher entre le favori Abdullah Abdullah, 53 ans, ancien porte-parole du commandant Massoud, arrivé largement en tête du premier tour (45 %), et Ashraf Ghani, 65 ans, un ex-cadre de la Banque mondiale (31,6 %). Progressistes, modérés, les deux hommes, qui ont voté dans la matinée à Kaboul, se sont engagés à lutter contre la corruption endémique et pour le développement économique de ce pays dépendant de l'aide internationale.

Sourds aux menaces des talibans, les électeurs se sont mobilisés tout au long de la journée aux quatre coins du pays, exhibant fièrement leurs doigts marqués à l'encre antifraude. "On a bien entendu quelques explosions dans la ville, mais pas de quoi nous faire peur. Ici, c'est tous les jours de toute manière. Et ce n'est pas ça qui m'empêchera de voter pour décider de l'avenir de mon pays", a dit à Kaboul Ahmad Jawid, un étudiant de 32 ans. 

"Je suis venu pour participer à l'élection, pour que mon bulletin puisse apporter du changement dans nos vies", a déclaré à l'AFP Janat Gul, un commerçant de 45 ans, dans un bureau de vote de la ville. "Je voterai pour le candidat qui redressera notre économie, créera des emplois et changera notre quotidien. Si notre économie tourne bien, il n'y aura plus d'insurrection, et plutôt que de se battre, les gens seront occupés à travailler", a-t-il dit.

 

La crainte de la fraude

Ce scrutin marquera la fin de l'ère Karzaï, seul homme à avoir dirigé l'Afghanistan depuis la fin du régime taliban, et auquel la Constitution interdit de briguer un troisième mandat. Le président sortant a voté tôt samedi dans une école. "Venez voter, venez tous voter !", a-t-il lancé. "En participant à l'élection, vous permettrez à l'Afghanistan d'aller vers plus de stabilité". Avec plus de 13 points d'avance sur son rival, la victoire semble à portée de main pour Abdullah Abdullah, qui s'était retiré avec fracas du deuxième tour de la précédente présidentielle, en 2009, en dénonçant des fraudes massives. "Nous ne pouvons accepter ne serait-ce qu'un seul bulletin de vote frauduleux en notre faveur. Et nous espérons que les autres diront la même chose", a dit M. Abdullah, en écho à son adversaire qui a demandé à "chacun de lutter contre les irrégularités".

Les résultats provisoires du scrutin devraient être publiés le 2 juillet, et d'éventuelles fraudes pourraient avoir un effet dévastateur en cas d'écart faible entre les deux candidats. Le prochain président prendra ses fonctions le 2 août, avec une question urgente à régler : la signature d'un traité bilatéral de sécurité avec Washington, qui permettrait le maintien d'un contingent américain d'environ 10 000 hommes après le départ des 50 000 soldats de l'Otan, fin 2014.

 

Source/Fuente: http://www.lepoint.fr/monde/elections-en-afghanistan-la-victoire-des-ele...