À quelle majorité le prochain chef de l’État devra-t-il être élu le 31 ?

Fuente: 
L´Orient Le Jour
Fecha de publicación: 
25 Oct 2016

À moins d'une semaine de la séance électorale du 31 octobre, où l'on s'attend à ce que le chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun, soit mené à la tête de l'État, le président de la Chambre, Nabih Berry, aurait laissé entendre que le futur locataire du palais présidentiel devrait obtenir les deux tiers des voix des députés présents, puisque la séance du 31 octobre s'inscrit, selon lui, dans le cadre du premier tour qui requiert les voix de 86 députés pour l'élection du président.

Cette position a ravivé la question du décompte des tours électoraux, d'une part, et du score que devrait remporter tout candidat pour accéder à la première magistrature de l'État, d'autre part. D'autant que de nombreuses accusations portant sur une « mauvaise application des textes constitutionnels » ont été lancées durant les deux années de vacance présidentielle.

Interrogé à ce sujet par L'Orient-Le Jour, le juriste et ancien député Salah Honein souligne que la séance du lundi 31 octobre s'inscrit dans le cadre du second tour. Selon lui, « le premier tour a eu lieu lors de la première séance destinée à élire un nouveau président de la République, tenue le 23 avril 2014, avant l'expiration du mandat de Michel Sleiman. Ainsi un candidat à l'élection présidentielle peut maintenant se contenter de 65 voix (la moitié plus un du nombre des députés) pour accéder au palais de Baabda ».

M. Honein va même plus loin : « Le quorum des deux tiers ne devrait être utilisé que pour amender la Constitution. » « Cela signifie que l'élection du président de la République peut se tenir en présence de la majorité absolue des députés, affirme Salah Honein. Le successeur de Michel Sleiman pouvait être élu à 65 voix depuis le début de la vacance présidentielle », ajoute l'ancien député de Baabda avant de poursuivre : « En avril 2014, le Parlement s'est réuni conformément à un quorum fixé par Nabih Berry, et non à celui stipulé par la Constitution. » Ce tableau fait dire à M. Honein que « le président de la Chambre a manipulé la Constitution pour des motifs politiques liés à ses intérêts ». Il va même jusqu'à justifier la lenteur à élire un chef de l'État par « la volonté des protagonistes politiques d'élire un président qui serait le résultat d'un accord conclu entre les différentes formations politiques ». Pour M. Honein, « ils ne veulent pas d'un président "fort" qui serait capable de gouverner de manière adéquate, et ils préfèrent entraver son action par leurs conditions ». 

« La séance de 2014 a-t-elle été levée ? »
De son côté, l'ancien ministre de l'Intérieur Ziyad Baroud ne partage pas le même point de vue : « Pour que la séance du 31 octobre se tienne, il faut que les deux tiers des députés (86) soient présents », précise-t-il à L'OLJ avant de poursuivre : « Le problème ne se pose pas à ce niveau puisque tout le monde a déclaré vouloir prendre part à la séance électorale, notamment après les derniers contacts menés entre Saad Hariri et Michel Aoun. »

Selon l'ancien ministre de l'Intérieur, « tout le problème se pose au niveau de la majorité de vote (c'est-à-dire le nombre de voix requis pour remporter l'élection) ». « En vertu de l'article 49 de la Constitution », « le président de la République est élu à la majorité des deux tiers, au premier tour, et à la majorité absolue, lors des tours suivants », rappelle Ziyad Baroud, avant d'ajouter : « D'un point de vue strictement juridique, et loin de tout positionnement politique, il faut distinguer les concepts de "séance électorale" et de "tour de vote". »
Il note, dans ce cadre, que « le premier tour signifie que, séance tenante, un premier tour de vote a lieu, si un candidat obtient deux tiers des voix des députés présents, il est élu président de la République. En revanche, si aucun candidat n'arrive à remporter les deux tiers des voix, un second tour a lieu lors de la même séance. »

Face à ce tableau, que dire de la séance prévue le 31 octobre ? Ziyad Baroud répond en rappelant que « le dernier tour de vote a eu lieu depuis plus de deux ans (avril 2014). Cela mène à poser la question suivante : "Cette séance a-t-elle été levée ?" ». Selon l'ancien ministre de l'Intérieur, « dans l'affirmative, la séance de lundi prochain devrait témoigner d'un nouveau premier tour, tenu dans le cadre d'une nouvelle séance parlementaire. Le futur chef de l'État devrait donc obtenir un score minimum de 86 voix ». « Dans le cas contraire (si la séance n'a pas été levée), le président sera élu à la majorité absolue à l'issue d'un second tour », poursuit M. Baroud. Il ne manque pas, toutefois, de rappeler qu'« il n'est pas logique qu'une séance parlementaire dure plus de deux ans, d'autant que pendant cette période, le Parlement s'est réuni à plusieurs reprises sous le signe de la "législation de nécessité". Cela est, en tout cas, laissé à la discrétion des parlementaires et du président de la Chambre », conclut-il.