Raya el-Hassan : S’il y a un legs que je veux laisser, c’est l’introduction des quotas féminins

Source: 
L’ORIENT LE JOUR
Publication date: 
May 24 2019
RÉFORME ÉLECTORALE: L’ONU et l’Union européenne invitent à une loi plus inclusive à l’égard notamment des femmes, des jeunes et des personnes handicapées.
 
« S’il y a un legs que je veux laisser, c’est l’introduction de quotas féminins, ne serait-ce qu’aux élections municipales, voire législatives. Je vais faire mon possible pour y parvenir. » Cette promesse de la ministre de l’Intérieur, Raya el-Hassan, de se mobiliser pour assurer une participation plus importante de la Libanaise à la vie politique a marqué hier la conférence intitulée « Élections législatives 2022 : réformes électorales et égalité des genres ». Une conférence conjointement organisée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Délégation de l’Union européenne au Liban, qui s’est déroulée au Mövenpick Hotel sous le parrainage de la ministre de l’Intérieur et des Municipalités.
 
Son engagement à œuvrer pour l’égalité des genres, mais aussi pour un taux plus élevé de participation au scrutin (qui a plafonné à 49,68 % lors des dernières législatives de 2018), pour une accessibilité des bureaux de vote aux personnes handicapées, pour une loi plus inclusive de toutes les catégories de la société… a poussé Mme Hassan à faire part de sa volonté de ne pas perdre de temps, d’entamer les réformes au plus tôt. « D’autant que durant les trois prochaines années, nous avons trois échéances, les municipales, la présidentielle et les législatives », rappelle-t-elle, invitant à tirer les leçons des dernières élections et à « prendre en compte les recommandations » des partenaires du Liban et de la société civile.
 
184e sur 191 pays
 
Car le constat est sévère. « Les résultats des législatives de 2018 n’ont pas été à la hauteur de nos espérances, malgré les palabres sur la nécessité d’améliorer la participation féminine en politique », déplore la représentante de l’Union européenne au Liban, Christina Lassen. « Seulement six femmes ont accédé à l’hémicycle sur 86 candidates. Et c’est un record », regrette-t-elle. Normal dans ce contexte que le pays du Cèdre soit recalé au rang des cancres de la participation féminine à la vie politique, sur les plans régional et international. « Sur 191 pays, il occupe la 184e place dans le monde, avec une représentation féminine au Parlement de 4 %, alors que la femme représente (plus de) 50 % de la population. » Et d’observer que cette réalité va de pair avec la marginalisation des jeunes dans la vie politique. « Trois députés uniquement ont moins de 35 ans », note la diplomate, estimant que la participation politique est « en contradiction avec la réalité de la société libanaise ». D’où la nécessité, indique la représentante du PNUD, Céline Moyroud, d’envisager « une approche holistique » et de « définir la vision des autorités en matière de réforme de la loi électorale pour les quatre années à venir ». Une réforme qui consisterait « à créer un environnement électoral plus inclusif et des conditions plus adéquates, qui permettrait aux groupes vulnérables et marginalisés de participer au processus électoral afin d’élire leurs représentants », explique-t-elle.
 
Revenant sur les législatives de 2018, le député Georges Adwan (Forces libanaises), également coordinateur de la commission sur la loi électorale, énumère les réformes les plus importantes à réaliser en matière de loi électorale d’ici aux prochaines échéances. À savoir le renforcement de l’organisme de contrôle des élections, l’adoption de la carte d’électeur électronique, la lutte contre la discrimination envers les personnes handicapées et envers les femmes. « Mais immanquablement, le combat pour une participation meilleure de la Libanaise doit commencer dans la vie active, au niveau de la participation syndicale des femmes notamment, insiste le député. C’est un combat de longue haleine qui doit être mené au quotidien et non pas de manière saisonnière. »
 
Vers un quota féminin de 15 % ?
 
De son côté, Inaya Ezzeddine, députée de Tyr, n’hésite pas à exprimer son point de vue personnel sur les quotas féminins. Un point de vue que ne partage pas nécessairement le patron du bloc parlementaire du mouvement Amal auquel elle appartient. « Le président du Parlement, Nabih Berry, propose un quota féminin de 15 %. Un pourcentage qui accordera aux femmes 20 sièges à l’hémicycle. Or j’estime que ce n’est pas suffisant », souligne-t-elle, précisant que « le quota est une mesure provisoire, destinée à briser les barrières ». Et de faire part de son engagement « à redoubler d’efforts pour changer les lois qui freinent la participation de la Libanaise à la vie politique, ou qui violent les droits des femmes ».
 
Les intervenants centrent alors leurs recommandations sur la réforme de la loi électorale de manière générale. Parmi eux, Sylvana Lakkis, représentant l’Union libanaise des personnes avec des handicaps physiques, rappelle que 15 % des habitants du Liban présentent des handicaps en tous genres. « Mais on les oublie, on ne s’en soucie qu’au moment des élections. On prend momentanément conscience des difficultés qu’ils rencontrent pour voter, regrette-t-elle. D’où la nécessité que les autorités respectent leurs promesses et adaptent l’environnement électoral aux personnes handicapées. »
 
Sans aucun doute, le chantier de réforme de la loi électorale est immense. Le combat pour l’égalité des genres aussi. Le Liban adoptera-t-il ou non le système des quotas ? Les partis politiques qui n’ont présenté que 13 candidates au total se résoudront-ils à traiter à égalité leurs compatriotes femmes ? Des promesses à la réalité, la question demeure entière.